Entomoculture : et si demain, j’élevais des insectes ?

#innovation
18 octobre 2022

Devenir éleveur d’insectes dans un avenir proche ? Pourquoi pas ! Le Gouessant s’intéresse aux protéines de la mouche soldat, dans l’idée de développer cet élevage en Bretagne. Le point avec Sébastien Courtois, Responsable recherche, innovation et développement.

Pourquoi la Coopérative s’intéresse-t-elle à la production de mouches soldats noires ?

Sébastien Courtois : « Nous y voyons l’opportunité de faire de la bioconversion en transformant des sous-produits alimentaires végétaux en ingrédients à haute valeur protéique. Notre ambition est aussi de valoriser les sous-produits bretons non consommés par les élevages d’animaux traditionnels. »

Quelles expérimentations menez-vous sur le sujet ?

Sébastien Courtois : « La production d’insectes est souvent abordée sous le prisme de la biotechnologie ; on entend peu parler de zootechnie. Avec nos équipes techniques et nutritionnistes, nous abordons les insectes comme n’importe quel élevage. Nous mettons des essais en place pour améliorer notre connaissance des besoins alimentaires des mouches soldats noires. L’objectif est de savoir formuler et équilibrer les recettes de sous-produits agricoles formant le substrat dans lequel les larves évoluent, pour qu’elles le valorisent et deviennent à leur tour des aliments à haute valeur protéique. Une fois la larve abattue et la matière grasse retirée, nous obtenons en effet un ingrédient très riche en protéines. Nous échangeons beaucoup avec l’entreprise Mutatec, qui élève des larves dans sa ferme de Cavaillon (84) et les transforme en matières grasses et en protéines de haute qualité. Nous partageons nos visions de l’élevage et de la nutrition des larves comme des animaux de rente. »

Quelles sont les prochaines étapes concernant vos essais ?

Sébastien Courtois : « Nous avons commencé à tester les sous-produits locaux en janvier 2022, après avoir travaillé six mois sur un protocole expérimental robuste. En fin d’année, nous aurons assez de recul pour savoir si la bioconversion est efficace avec la ressource de co-produits disponibles sur le territoire breton. Si oui, pourquoi ne pas aller plus loin avec une ferme-usine bretonne, ou alors un modèle mixte impliquant des adhérents entomoculteurs ? »

Quels sont les débouchés en France pour un éleveur de mouches soldats noires ?

Sébastien Courtois : « Aujourd’hui, les aliments à base d’insectes sont surtout utilisés en aquaculture. Les animaux de compagnie représenteront aussi une opportunité. Avec la baisse de la consommation de viande, il y aura de moins en moins de sous-produits disponibles pour fabriquer leurs aliments. Par ailleurs, depuis le 25 août 2021, la protéine d’insecte peut alimenter les élevages de porc et de volaille. Et pourquoi pas imaginer contribuer demain à l’autonomie protéique de la Bretagne et, peut-être, à l’alimentation humaine ? Tout dépendra de l’évaluation des coûts environnementaux et financiers de cette protéine qui, à ce jour, n’est pas compétitive par rapport à la protéine végétale. »

Quelles conditions faut-il réunir pour être l’éleveur d’insectes de demain ?

Sébastien Courtois : « L’élevage de larves pourrait être vu comme une diversification pour nos adhérents. Le frass peut même être utilisé comme amendement organique dans les cultures. L’éleveur aura besoin d’une faible surface au sol et d’un peu de hauteur pour empiler les caisses d’insectes. Un bâtiment de volailles de 1000 m2 nécessiterait peu d’aménagements. Les mouches requièrent un peu de chaleur au démarrage, ensuite elles la produisent elles-mêmes. L’eau est disponible directement dans le substrat. Bien sûr, il est important de se former et Le Gouessant sera en mesure d’accompagner ses adhérents sur toutes les étapes. »