Entretien avec Christelle Houdard : « renforcer le lien entre les activités animales et végétales »

#stratégie
27 janvier 2022
Entretien avec Christelle Houdard

Christelle Houdard, Directeur Général adjoint chez Le Gouessant, pilotera désormais l’ensemble des activités de l’élevage et des productions végétales. En renforçant le lien entre ces filières, la Coopérative entend mieux répondre aux enjeux sociétaux et aux attentes du marché, tout en offrant aux adhérents une approche globale de leur exploitation agricole.

Quelles seront vos nouvelles missions au sein de la Coopérative ?

CHRISTELLE HOUDARD : « J’encadrerai les  activités d’élevage, qui englobent la volaille,  le porc et les ruminants, ainsi que les productions végétales et la Plateforme services.  Cette dernière regroupe les commandes  clients, les activités liées à l’environnement,  le service bâtiment… Ma mission sera de développer ces pôles qui sont le cœur de métier de la Coopérative, tout en renforçant le lien entre les filières d’élevage et les productions végétales. »

Pourquoi renforcer le lien entre les filières végétales et animales ?

« L’agriculture en Bretagne se végétalise. Des adhérents cessent l’élevage pour produire des grandes cultures. Cela fait écho à la baisse de la consommation de viande en France. Pour Le Gouessant, ce mouvement représente une opportunité de développer les productions végétales, et de répondre aux exigences sociétales et environnementales. Mais cela ne se fera pas au détriment de l’élevage. Au contraire, nous recherchons à renforcer le lien entre le sol et l’élevage dans une logique agro-écologique afin de donner plus de cohérence au système. La gestion des effluents a toujours été un axe de travail, mais revient au-devant de la scène. En développant cette dynamique vertueuse, nous cherchons à mieux valoriser les productions végétales des éleveurs, notamment les cultures fourragères et les céréales à paille. Cette réflexion s’inscrit dans la continuité de notre travail sur l’agroenvironnement et l’environnement. Nous nous mobilisons auprès de nos adhérents pour réduire l’utilisation des intrants et l’empreinte environnementale des exploitations, améliorer la biodiversité… »

En quoi cette consolidation va-t-elle particulièrement aider la Coopérative et ses adhérents à mieux répondre aux attentes sociétales ?

« En créant plus de lien entre les activités végétales et animales, nous pourrons favoriser l’approvisionnement local en matières premières et ainsi répondre à la demande sociétale d’une alimentation produite à proximité des consommateurs. Aujourd’hui, nous sommes encore dépendants du soja brésilien et nos importations alourdissent notre bilan carbone. Nous pouvons viser l’autonomie protéique en développant dans notre région les productions végétales destinées à nourrir nos animaux d’élevage. Pourquoi ne pas alimenter les porcs de nos élevages avec de la luzerne produite en Bretagne ? Nos techniciens productions végétales, qui assurent le suivi des grandes cultures, travaillent sur le sujet et s’intéressent de près aux cultures permettant de développer l’autonomie protéique des éleveurs. Par ailleurs, Physior, un modèle alternatif d’élevage porcin développé par Le Gouessant, s’accompagne aussi d’une réflexion sur l’alimentation. En parallèle, nous poursuivons nos investissements dans le bien-être animal, qui est un enjeu important pour Le Gouessant. Nous travaillons à la conception de nouveaux bâtiments et modes d’élevage. Par exemple, avec la nouvelle réglementation bio en élevages de poulettes et pondeuses, nous devrons adapter l’itinéraire technique et les bâtiments d’élevage : parcours extérieur pour les animaux, aliments 100% bio… »

Quels sont les bénéfices de cette nouvelle organisation pour l’adhérent ?

« Nous porterons un nouveau regard sur l’exploitation. Nous avions tendance à segmenter notre approche par atelier. Nous aurons désormais une approche globale et durable, c’est un grand changement. L’adhérent bénéficiera d’un accompagnement faisant le lien entre ses activités végétales et animales, afin d’optimiser ses prises de décisions. La réflexion peut par exemple porter sur les cultures à mettre en place pour que leur valorisation sur l’élevage soit la plus intéressante possible.  Par ailleurs, la certification HVE (Haute Valeur Environnementale) se développe. Portant uniquement sur les aspects environnementaux, elle concerne l’ensemble de l’exploitation. Renforcer le lien entre l’élevage et les cultures est donc très pertinent pour les adhérents qui souhaitent s’y engager. »

Quels sont les projets à court et moyen terme dans le cadre du développement de la filière végétale de la Coopérative ?

« À court terme, nous souhaitons valoriser le travail des techniciens productions végétales qui accompagnent nos adhérents sur des questions technico-économiques. Nous développerons le service aux adhérents, qui englobe aussi bien des réunions en bout de champs que de l’accompagnement après-vente des produits d’agrofourniture. À court et moyen terme, l’objectif est aussi d’étendre l’utilisation des OAD afin de compléter les observations de terrain et les conseils des techniciens. Ces outils offrent la possibilité à l’agriculteur d’intégrer une grande diversité de données à sa prise de décision. Nous comptons enfin développer de nouvelles filières et productions, comme le tournesol, par exemple. »

Selon vous, quels sont les enjeux à venir pour les filières animales et végétales ?

« Le bien-être animal est un enjeu important. Depuis le 1er janvier 2022, la castration à vif des porcelets est interdite. Une nouvelle réglementation de la bio est entrée en vigueur au même moment pour la filière œuf. Puis en 2023, il faudra développer l’ovosexage des poussins. Nous devons nous adapter à ces mutations. Nous continuons donc d’avancer avec la réglementation, tout en allant plus loin. Dans le modèle Physior, les animaux disposent de différentes zones de vie, dont un accès à l’extérieur. Le deuxième enjeu sur lequel nous travaillons concerne la durabilité. Par ailleurs, nous développons un plan d’actions sur des thématiques comme l’agroécologie, l’autonomie protéique, la décarbonation ou la préservation des ressources en eau. »

Voyez-vous d’autres enjeux pour la Coopérative et les adhérents ?

« Nous traversons une conjoncture délicate. Les filières animales connaissent une situation de crise avec une explosion du prix des matières premières. L’enjeu sera donc, pour la Coopérative comme pour ses adhérents, d’être résilients pendant quelques mois. Le Gouessant dispose des compétences et des moyens pour anticiper les évolutions du marché, toutefois il est difficile de prédire quand la sortie de crise interviendra. Nous devons nous tenir prêts. L’approche globale entre les filières animales et végétales se révèle particulièrement pertinente et nécessaire dans les conditions actuelles. »