Objectif protéines : la souveraineté protéique française n’est pas une option !

12 novembre 2022

La pandémie de la Covid-19 et la guerre en Ukraine ont remis la souveraineté alimentaire et l’autonomie protéique pour l’alimentation humaine et animale au rang des priorités nationales. Le point avec Vincent Chatellier, économiste à l’Inrae.

 

Pourquoi s’intéresser à la souveraineté protéique ?

Vincent Chatellier : « La production française de tourteaux de colza, de tournesol et de soja a progressé entre 2000 et 2021, passant de 1,8 à 3,2 Mt. Mais les importations restent soutenues même si elles ont baissé : 4,4 Mt en 2021 (-6 % depuis 2000) dont 2,9 Mt pour le soja (-30 %). Ces importations de soja, du Brésil pour plus de 60 %, sont de plus en plus critiquées par la société car elles contribuent à la déforestation et résultent de pratiques controversées : quasi-monoculture de variétés OGM, recours à de fortes quantités d’herbicides dont certains interdits en Europe. »

Comment se passer de ce soja importé ?

Vincent Chatellier : « À travers son plan « protéines végétales », le gouvernement français vise la souveraineté protéique à l’horizon de 2030. Les surfaces françaises de soja sont passées de
78 000 ha en 2000 à 187 000 ha en 2021, soit 9 % des surfaces en oléagineux. La filière porcine a déjà réduit l’utilisation de tourteaux de soja. Les gros consommateurs sont les bovins et les volailles. De nombreuses pistes sont étudiées pour réduire la dépendance aux protéines végétales importées, notamment dans le programme « Cap Protéines ». En vaches laitières, une piste sérieuse est d’augmenter la part des prairies riches en légumineuses au détriment du maïs ensilage. Pour certains experts, 1,4 ha de prairies et 0,5 ha de céréales peuvent remplacer 1 ha de maïs et 1 ha de soja, sans pénaliser la production. En complément, on pourrait accompagner financièrement le développement de la culture du soja et de prairies riches en trèfles et en luzerne. Une utilisation renforcée de tourteaux de colza et tournesol, de méteils, de MCPI (1) favoriserait aussi cette transition. »

 

(1) MCPI : mélanges céréales protéagineux immatures

Quels sont les freins pour y parvenir ?

Vincent Chatellier : « Depuis des décennies, le tourteau de soja est une source de protéines abondante et bon marché. Les agriculteurs ne trouvaient donc pas d’intérêt économique à adopter des solutions alternatives. De plus, le système maïs-soja est efficace et bien maîtrisé. Passer à un système avec davantage d’herbe est certes plus autonome mais plus complexe à gérer et donc moins sécurisant. Le rapport de prix entre les produits importés versus les produits cultivés localement est le cœur du problème. Outre un ciblage accru des aides financières, la vulgarisation des modèles techniques gagnants sera nécessaire pour convaincre les agriculteurs de modifier leurs pratiques. »