De l’intérêt de se mettre « aux vers »

#environnement
25 octobre 2018

Ils paraissent insignifiants, mais les apparences sont parfois trompeuses ! Les vers de terre sont essentiels à la vie des sols. Mais comment ces lombriciens fonctionnent-ils ?

Les scientifiques n’hésitent pas à les présenter comme les « ingénieurs » physiques du sol. C’est dire toute l’importance accordée aux vers de terre ! Il en existe 3 grands types :

  • Les épigés (parfois appelés vers de compost) : ces vers de terre mesurent de 1 à 5 cm et vivent en surface. Ils sont de couleur rouge sombre et ne creusent pas ou très peu de galeries ;
  • Les anéciques qui figurent parmi les plus grosses espèces. Leur taille peut aller de 10 à 110 cm. Ils sont de couleur rouge, gris clair, brun. Ils creusent des galeries permanentes verticales pouvant mesurer de 5 à 6 mètres de profondeur qui sont ouvertes en surface ;
  • Les endogés dont la longueur varie de 1 à 20 cm. Ils vivent dans le sol, mais pas en profondeur. Ils sont faiblement pigmentés, avec une couleur allant du rose clair au gris clair. Ils creusent des galeries temporaires horizontales.
Sur une année, les cinq premiers centimètres d’un sol sont brassés par les vers de terre.

De gros mangeurs

Les vers de terre ont un rôle sur chacun des blocs (physique, chimique et biologique) qui constituent un sol. Sur une année, les cinq premiers centimètres d’un sol sont brassés par les vers de terre, qui peuvent manger jusqu’à 30 fois leur poids. Les vers agissent sur la physique du sol par deux voies. Ils ont une activité fouisseuse, contribuant à la formation de galeries et de logettes d’estivation qui jouent sur la régulation hydrique. Ils produisent aussi des déjections, appelées turricules, qui modifient la microtopographie et augmentent la rugosité du sol. Cela joue également un rôle sur la régulation hydrique ainsi que sur le maintien de la stabilité du sol. Les vers de terre ont également un rôle sur l’activité biologique du sol. Les lombriciens influencent la biomasse microbienne, en réunissant de bonnes conditions pour son développement. Ils contribuent à rendre la matière organique plus accessible, et le mucus, directement assimilable.

Des êtres vivants sensibles

Au niveau de la chimie des sols, la faune et les microorganismes jouent sur le processus d’évolution de la matière organique qui, en surface, subit trois types de transformation : l’humification, la minéralisation de l’assimilation. Les vers de terre sont aussi influencés par les caractéristiques du sol. Ils sont sensibles à leur environnement comme :

  • La composition minérale du sol (limon, sable, argile).
    Par exemple, une texture sableuse est moins favorable aux vers de terre. C’est un matériau abrasif pour eux. De plus, un sol sableux est sec plus  rapidement et plus longtemps que d’autres types de sols
  • La profondeur de sol
  • L’humidité du sol. Les vers de terre sont réputés plus amphibiens que terrestres. Pour autant, ils n’aiment pas les eaux stagnantes, milieux très pauvres en oxygène
  • Le pH. Les vers peuvent vivre dans des milieux présentant un pH compris entre 4,2 et 8.

Toute vie lombricienne disparaît en dessous d’un pH de 3,7.

Des acteurs de la biodiversité

Pour maintenir, restaurer et enrichir la biodiversité d’un sol, deux options sont possibles :

  • La manipulation directe par inoculation ;
  • La manipulation indirecte via les pratiques agricoles ;
  • L’inoculation de vers de terre en Europe, et donc en Bretagne, n’est pas efficace car les techniques de mise en oeuvre ne sont pas très adaptées. C’est pourquoi, la priorité doit être donnée aux pratiques culturales (manipulation indirecte).

Parmi elles, retenons :

  • L’impact des pesticides. Une réduction de moitié de l’utilisation des pesticides permet d’augmenter de 1,5 à 4 fois le nombre de vers de terre, en particulier les épigés et anéciques qui sont en interaction avec la surface. Les pesticides influent à tous les niveaux d’organisation (activité enzymatique, augmentation de la mortalité, réduction de la fécondité…).
    Les insecticides et fongicides ont plus d’impact que les herbicides ;
  • L’impact de la fertilisation. La qualité des apports organiques est importante à prendre en considération par rapport aux caractéristiques chimiques des produits (paramètre C/N, cellulose). Des produits facilement biodégradables seront directement assimilable par la biomasse présente. Des apports de lisiers peuvent, par exemple, augmenter la densité de lombriciens mais, a contrario, présenter une certaine toxicité par rapport à la teneur en ammoniac. Autre exemple : la mise en place de zones d’enherbement est un facteur favorable au développement des vers de terre. Par contre, épandre trop d’azote minéral n’est pas bénéfique pour ces populations car cela acidifie le sol.
  • L’impact des techniques de conservation des sols (TCS). Les TCS reposent sur 3 piliers (+1) : la réduction du travail du sol, le couvert végétal, la modification des rotations, la fertilisation. Pour la conservation de la population de  vers de terre, s’autoriser un labour n’est pas néfaste, c’est la répétition de cette pratique qui peut l’être.Par rapport aux systèmes culturaux mis en place, il y a des différences d’abondance ou de biomasse. Par exemple :

En système de grandes cultures, les densités de lombriciens sont les plus faibles ;

Les systèmes prairiaux de plus de 5 ans présentent les plus fortes densités en vers de terre ;

En système de culture avec précédent en prairies, il est observé une bonne densité due au précédent prairial ;

En système de prairie de  restauration d’un an, un apport bénéfique sur la densité de lombriciens est généralement observé dès la 1re année.
Autre constat : après 4 à 6 années de culture sur une même parcelle, les niveaux de population de vers de terre atteints représentent la base sous laquelle on ne descend plus.

Ainsi, des pratiques dégradantes (travail du sol intensif, épandage de matière « toxique »…) entraînent une baisse de l’activité biologique et donc, un risque de contamination des eaux et une perte de sol par érosion.
À l’inverse, des pratiques culturales favorables au fonctionnement des sols agricoles (retour de la matière organique, perturbation du sol limitée…) permettent de développer les activités biologiques, contribuant à la durabilité de l’écosystème.