L’excellence opérationnelle s’invite dans les exploitations « Fermes 4 soleils »

#fermes 4 soleils
15 avril 2024

Il fallait y penser et oser. C’est chose faite ! Les outils de l’excellence opérationnelle – méthode habituellement appliquée en industrie – ont été testés sur les Fermes 4 soleils. Les résultats sont enthousiasmants et pourraient à l’avenir bénéficier au plus grand nombre.

Avec un volume d’activité croissant sur les exploitations, une charge de travail par personne qui s’alourdit, les adhérents ont parfois du mal à mobiliser quelques heures pour participer à des ateliers qui pourtant les motivent. « On a pensé qu’on pouvait les aider à améliorer l’organisation du travail, l’optimisation des tâches, la gestion des priorités », raconte Béatrice Le Guen, responsable du club Fermes 4 Soleils. Est alors née l’idée de proposer aux éleveurs de tester les méthodes de l’excellence opérationnelle (EO), une démarche appliquée en interne par Le Gouessant. Idée confortée lors de la définition des projets 2024 par les éleveurs du club. « Ils ont exprimé le besoin d’être plus efficaces, d’optimiser l’utilisation des outils de production pour être plus rentables et gagner du temps ».

Du concret, du pratique

Comment mettre en œuvre une méthode issue du monde industriel dans les exploitations agricoles ? Quelle est la bonne formule pour la proposer aux agriculteurs ? L’équipe Le Gouessant a choisi de tester au sein de petits groupes d’éleveurs des pilotes sur la gestion, l’organisation, l’optimisation du temps de travail. « Qu’est-ce qui gratte au quotidien ? » Telle est la question posée à l’exploitant accueillant le groupe. Chacun apporte ses propositions de manière bienveillante et constructive, en s’appuyant sur un outil de l’excellence opérationnelle. « On décortique ensemble ce qui coince pour essayer de l’améliorer ». Pas toujours facile d’accepter la remise en cause des habitudes de travail mais les réticences cèdent quand une solution concrète et pratique se révèle parfaitement adaptée. « Une fois la problématique bien définie et la méthode choisie, la solution émerge facilement de l’intelligence collective. C’est très impressionnant ». L’objectif est que chacun quitte l’atelier en emportant un livrable, c’est-à-dire une ressource applicable chez soi.

L’aventure continue

Et ça marche ! Les trois ateliers menés cet hiver ayant été positifs et enrichissants, les éleveurs ont poursuivi les rencontres et un groupe supplémentaire a même été créé. « La valeur pour nos adhérents est prouvée. La phase test est concluante ». Après être passée par l’incubateur du club Fermes 4 soleils, l’excellence opérationnelle est à présent en phase de duplication. « Nous réfléchissons à structurer une offre de service pour que l’ensemble de nos adhérents puissent renforcer leur efficience et gagner du temps ».

Ils témoignent…

« Pouvoir confier les rênes en étant serein »

« J’ai peur de déléguer la gestion de mon élevage et je manque de pédagogie pour le faire », avoue Thomas Madec. Les trois éleveurs de volailles, qui planchent sur l’excellence opérationnelle éprouvent l’angoisse que le travail délégué ne soit pas fait correctement. « Pourtant, c’est important de pouvoir se faire remplacer en cas d’absence ou d’hospitalisation longue durée, surtout quand on n’a pas de salarié ». Les éleveurs sont accompagnés par l’équipe EO de Le Gouessant pour créer des standards. Ils décrivent toutes les opérations quotidiennes pour piloter l’élevage en étant concis et explicite. « Détailler ses pratiques en groupe, c’est aussi les remettre en cause, accepter le regard des autres et se nourrir de leur expérience. » Les descriptifs sont illustrés par des visuels, des photos parlantes. Les standards sont élaborés sur le sas sanitaire, la salle d’élevage, la commande d’aliment, l’état sanitaire des animaux. « Ça va m’enlever un poids car je sais que quelqu’un peut me suppléer pendant toute la durée du lot si besoin ».

Thomas Madec Éleveur de poulettes bio
« Une démarche qu’on n’aurait pas fait seuls »

« Avec mon conjoint Thomas Madec, on note sur un planning commun la météo prévue et on organise les travaux intérieurs et extérieurs en fonction. Idem pour nos rendez-vous en tant qu’élus à la mairie ou au syndicat, on les cale quand il pleut. On voit quand on peut compter sur la présence de l’autre. On inscrit les interventions de l’ETA, la liste des courses, les tâches à réaliser avec un code couleur par temps imparti. Cette vision globale nous permet d’anticiper. C’est beaucoup de petits détails pour être plus efficaces au cours de la semaine.
Je compte rédiger des standards comme Thomas. Nous pourrons ainsi nous remplacer mutuellement sans risque d’oubli car tout est noté noir sur blanc. C’est sécurisant. La démarche de l’excellence opérationnelle, on ne l’aurait pas fait seuls. Il faut le travail de groupe préalable, l’accompagnement et un petit défi à relever. Cela répond à un vrai besoin mais auquel on ne répond pas tant qu’on n’est pas confronté au fait de devoir être remplacé ».

Aurélie Saintillan Éleveuse de pondeuses Label Rouge
« On ne peut pas se permettre de perdre du temps »

Suite au travail de groupe, Bérenger Soulabaille a appliqué la méthode 5S chez lui, dans la zone de traite. « Nous avons trié, rangé, nettoyé et formalisé la place des outils. C’est tout simple, il faut juste prendre le temps de le faire », explique l’éleveur. Reste le plus dur, être rigoureux pour tenir sur la durée ! Il envisage d’appliquer les 5S sur l’atelier bricolage, là où le risque de disperser les outils entre les différentes zones de travail est le plus grand. « C’est un peu de temps à passer pour en gagner beaucoup par la suite ».
Bérenger a aussi créé un tableau d’organisation « pour que chacun soit au courant de ce qu’il se passe sur la ferme ». On y repère facilement les rendez-vous, les tâches à réaliser, la présence du remplaçant, les astreintes, les vacances… « J’ai mis un code couleur par catégorie, porc, lait, cultures, GAEC, privé et trois couleurs pour prioriser les tâches ». La liste des courses y figure également pour limiter les trajets. Chaque vendredi midi, le planning est mis à jour pour la semaine suivante. « On efface ce qui est fait, on reporte ce qui n’est pas fait, l’organisation et la planification sont plus claires pour tout le monde ».

Bérenger Soulabaille Éleveur de vaches laitières et de porcs

Pour aller plus loin : l’excellence opérationnelle ou comment faire mieux chaque jour

La méthode a recours à des outils dont trois constituent le socle de l’excellence opérationnelle : le standard, l’animation à intervalle court et les 5S. Appliquée en industrie, elle s’avère transposable au monde agricole. « L’excellence opérationnelle est appliquée dans les secteurs industriels et logistiques Le Gouessant », partage Benoît Chauvin, responsable de la démarche EO chez Le Gouessant. Mais de quoi parle-t-on ? « L’EO reflète une culture, un état d’esprit orienté vers l’amélioration continue. » Créée par Toyota, elle est largement répandue dans les industries automobile, pharmaceutique et agroalimentaire. Son objectif est de rendre le travail plus efficace pour au final gagner du temps et de la satisfaction.

Trois fondamentaux dans la boîte à outils

• Le premier outil est la standardisation. Créer un standard, c’est formaliser la meilleure façon d’exécuter une tâche. « En usine, plusieurs opérateurs réalisent des actions identiques mais avec une efficacité inégale. L’EO aide à définir en équipe la meilleure façon de réaliser la tâche ». Un document pratique, très visuel, souvent avec des photos récapitulant les étapes pour accomplir l’opération de manière optimale est placé près du poste de travail. La finalité est d’assurer la continuité de l’activité quoi qu’il arrive. En usine comme sur une exploitation, « une personne ne connaissant ni l’atelier ni le métier doit pouvoir effectuer les tâches prioritaires ».

• Le deuxième outil se focalise sur l’organisation du travail et la communication via le management visuel. Il s’agit de mettre en place un rituel quotidien de quelques minutes, une « animation à intervalle court » pour évaluer la performance du jour. Le responsable passe en revue les attendus de la journée, à partir d’indicateurs créés avec les équipes. En industrie, on parle de sécurité, de qualité, de performance, de maintenance. « On évalue si la journée a été bonne, on repère les écarts par rapport aux objectifs et on définit quelles actions adopter pour atteindre la cible. » Dans une exploitation, le rituel sert à organiser la journée de travail et à communiquer. « L’agriculteur peut mieux gérer les équipes et les priorités. Chacun visualise facilement la répartition des tâches. En fin de journée, il peut faire le bilan, évaluer le temps passé sur les activités à valeur ajoutée ou à gérer des irritants ».

• Troisième pilier, la méthode 5S fait référence à cinq termes japonais dont le but est de rendre l’environnement de travail sécurisé et efficace. Les étapes successives sont de débarrasser les objets inutiles, ranger les outils à proximité de la zone de travail, nettoyer l’espace, standardiser c’est-à-dire définir des règles pour que les outils soient toujours rangés au même endroit et enfin pérenniser pour que les bonnes habitudes perdurent.

Quelle que soit leur production, les agriculteurs sont confrontés à la problématique de la gestion du temps. « Lors des ateliers, j’utilise la force du collaboratif et l’intelligence collective pour faire émerger des solutions. » Le regard croisé entre exploitants permet d’identifier les bonnes pratiques et les moyens d’améliorer ce qui peut l’être.